Présentation de l’Avis sur les questions de déontologie liées à la gestion des entreprises

En tant que membre de la commission de l’Emploi et des Affaires sociales au Parlement européen, j’ai été chargé de rédiger un avis sur les questions de déontologie liées à la gestion des entreprises.

Contexte

La politique sociale reste une compétence des Etats. Les politiques européennes, elles, ont un impact dans la définition de normes minimales, comme sur le temps de travail, ou de soutien, en débloquant des aides par exemple.

La présidente de la commission Emploi et Affaires sociales du Parlement, Pervenche Béres, la socialiste française, a décidé de ne pas se limiter aux seules politiques européennes d’appoint et de s’autosaisir sur certains sujets. Ce dont je la remercie.

Un moyen de faire valoir son opinion est la rédaction d’un Avis sur un rapport législatif d’une autre commission. Par exemple lorsqu’un dossier passe sur le temps de repos des femmes enceintes c’est la commission Femmes qui est déclarée compétente et saisie par le Parlement pour rédiger un rapport législatif. Mais cette question ayant une dimension sociale, notre commission « emploi » fait valoir sa position en fournissant un Avis qui suggère des mesures à incorporer dans le texte de rapport.

C’est le cas pour un ensemble de textes actuellement en discussion à la commission Affaires économiques du Parlement, qui cherchent à limiter la prise de risques et donc l’instabilité dans les établissements financiers (banques, fonds spéculatifs). Ces textes ont un impact qui va au delà des seules questions de réglementations économiques. Notre commission de l’Emploi et des Affaires sociales a donc décidé de donner son point de vue. Premièrement par un Avis rédigé par le socialiste danois M. Christensen sur un rapport portant sur les exigences de fonds propres dans les établissements financiers. Deuxièmement par l’Avis que nous avons rédigé sur les questions de déontologie liées à la gestion d’entreprises.

Contenu de l’Avis

Dans un premier temps, l’Avis que je présente reprend les principes de réglementation et de limitation du risque financier développés dans des recommandations de la Commission et précisés par l’Avis de mon collègue Christensen :

– Augmentation des exigences de fonds propres dans le bilan des établissements financiers (moins d’argent disponible pour faire des opérations risquées),

– Refonte de la structure des rémunérations afin d’éviter le court terme (limiter les bonus) ou les indemnités de départ basées sur de mauvaises performances (parachutes dorés),

– Transparence dans la définition des rémunérations et implication des salariés dans la définition de celles-ci,

– Indépendance des personnes chargées d’attribuer les primes (afin que ce ne soit plus ceux qui décident des rémunérations qui les touchent).

Sans oublier une vraie force contraignante à ces principes de base (via des sanctions) afin qu’ils soient réellement appliqués dans tous les secteurs financiers, tout en respectant le droit à la négociation collective.

Dans un second temps, cet Avis fait également mention de la responsabilité sociale des entreprises, de la proportionnalité des rémunérations entre dirigeants et salariés (les écarts entre salariés et dirigeants sont parfois intolérables), et d’une réversibilité des bonus : il faut penser à la possibilité de récupérer ces primes dès lors qu’elles ont récompensé des opérations qui, sur le long terme, ont eu des conséquences sociales ou environnementales négatives.

C’est là une question de fond qui se pose : « Peut-on continuer à vivre sur un modèle où le principe de compétitivité conduit à augmenter sans cesse les rémunérations des dirigeants, qui eux-mêmes sont chargés d’abaisser sans cesse « le coût du travail » c’est-à-dire à diminuer les rémunérations des salariés ? »

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Ma présentation de l’Avis devant la commission de l’Emploi et des affaires sociales :

Madame la présidente,

De nombreux gouvernements dans le monde, les institutions européennes elles-mêmes, comme les organisations syndicales et sociales, ont à plusieurs reprises alerté sur la nécessité de nouveaux mécanismes limitant les prises de risque inconsidérées des institutions financières. Or, en pleine crise, alors que le chômage et la pauvreté augmentent, on constate à nouveau le versement de bonus aux traders, des salaires extrêmement élevés pouvant dépasser 300 à 400 fois le salaire de base d’un salarié en France, où les parachutes dorés continuent. Ceci frise l’indécence !

Comme le souligne M. Christensen dans son exposé des motifs, le pire aurait pu être évité si des règles de prudence élémentaires avaient été mises en place.

Il est bien que notre parlement en discute maintenant, et c’est l’objet des avis de M. Christensen et du nôtre.

De ce point de vue je veux saluer votre rôle et votre volontarisme, Mme la présidente Pervenche Béres, afin que notre commission puisse en débattre et faire des propositions sur ces questions.

La commission avait adopté des recommandations le 30 avril 2009. Celles-ci concernaient les instruments de rémunération, les principes de gouvernance et de transparence. Je souscris à ces principes de déontologie. Il faudrait maintenant les appliquer. Je soutiens les clarifications de M. Christensen : tous les acteurs de la finance doivent être soumis à ces principes, et cela passe par des pouvoirs contraignants délégués aux autorités de contrôle.

Cependant plusieurs éléments pourraient être ajoutés.

D’abord, il y a une question politique de principe fondamental à poser. Peut-on continuer à vivre sur un modèle où le principe de compétitivité conduit à augmenter sans cesse les rémunérations des dirigeants, qui eux-mêmes sont chargés d’abaisser sans cesse « le coût du travail » c’est-à-dire à diminuer les rémunérations des salariés ?

L’injustice et l’inégalité se manifestent aussi par un transfert de plus en plus accru des fruits du travail salarié vers la rentabilité du capital.

Dans notre avis nous avons donc voulu au point 1 mettre en valeur la responsabilité sociale des entreprises.

Au point 3 nous souhaitons établir une véritable transparence sur les rémunérations ainsi qu’une proportionnalité dans l’éventail des rémunérations. A cet effet nous soulignons aux points 7 et 9 la nécessité de droits nouveaux des salariés et de leurs représentants dans la négociation collective.

Parmi les moyens de faire appliquer ces principes et leur traduction en obligations juridiques ou en incitation financière :

– Des contrôles accrus des organismes élus (y compris les comités de groupes européens) de la Cour des comptes sur les entreprises, notamment pour celles qui bénéficient de financement européen, comme nous le soulignons au point 4.

– On peut aussi envisager le remboursement de primes dès lors que celles-ci ont été obtenues sur des opérations de gestion qui se sont révélées négatives en termes d’emploi ou d’environnement.

Evidemment cet avis n’épuise pas le sujet, aussi je suis à l’écoute de vos suggestions et amendements, pour les incorporer dans ce texte.